vol au dessus d'un nid d'oursin

Jim a bientôt 40 ans. Il vit loin de sa famille, en Alaska. 
Jim n’a plus de femme. Lorraine l’a quitté parce qu’il était coureur. 
Jim n’a plus de maitresse. Jeannette l’a quitté parce qu’il était coureur. 
Jim ne voit ses enfants que 4 fois par an. 
Jim méprise sa mère, déteste son père, refuse de voir sa soeur. 
Jim ne peut s’empêcher de se battre avec son frère.  
Jim n’est plus dentiste, doit une somme astronomique au fisc.
Jim doit passer quinze jours en Californie pour voir sa famille. 
Mais Jim veut mourir. Il trimbale un revolver dans son sac qui ne le quitte pas…

A première vue, l’histoire n’annonce que du malheur. En surface c’est la violence, les coups, les cris, les insultes. Rien ne va plus dans la vie de Jim.  

Dans son septième roman, "un poisson sur la lune", David Vann nous propose une plongée dans la vie intérieure d'un homme au bord de l'asphyxie. Une invitation à quitter la souffrance en surface et à descendre explorer les passions, les désirs et les rêves cachés.

En surface, la vie de Jim est un échec. En surface, Jim se meurt, consumé par un mal que l'on appelle dépression. En surface, Jim agit comme un papillon étourdi par une lampe. En profondeur, sa vie est vibrante, foisonnante et colorée. Jim est habité de rêves jamais énoncés. Il n’est totalement vivant que lorsqu’il se investit par la nature. Les éléments sont ses alliés. Une vision d'un pari perdu, celui de l'enfance, de l'insouciance, de l'innocence. Son paradis est composé de forêts, de rochers, du ciel, du vent, et surtout de l’eau sous toutes ses formes : larme, pluie, rivière, lac et océanEn surface, Jim se sent poisson dans un bocal devenu trop petit. Chaque respiration est une épreuve, chaque lieu un cul de sac, chaque relation une prison. La seule option est le saut dans l'abîme. Fuir le passé, sa famille, sa vie d’avant.


David Vann réussit ici une incroyable mise en tension du lecteur, comme une apnée de plus de 200 pages : des dialogues taillés à coups de hache, des lieux asséchés et tristes, des relations dont il ne reste que les carcasses. Souvent l'air nous manque pour avancer. Et puis, la nature surgit. La nature qui apaise, soigne, adoucit. Une nature-mère, ultra présente, à la fois miroir des sentiments et source des solutions. 

De la première à la dernière phrase, David Vann nous place en spectateur impuissant, flottant, entre espoir et crainte. On suffoque. On reprend courage. On replonge. On espère. 

Jim c’est l'autre que l'on a envie de sauver. Jim c’est aussi nous, face à nous même. 


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